Lauréats et lauréates des deux premières éditions
Les lauréats 2022 de la 2ème édition
Catégorie « Sciences Humaines et Sociales »
1er Prix : Timothée Parrique, économiste écologiste, pour sa thèse « The political economy of degrowth».
Sa thèse en économie théorique sur la décroissance est divisée en trois grandes questions liées à l’insoutenabilité sociale et écologique de la croissance économique et aux implications socio-économiques de la décroissance. La décroissance est un concept souvent mal compris par les économistes et le public en général. La qualité du travail de Timothée Parrique est de clarifier l’histoire du concept, ses fondations philosophiques, ses implications économiques, ainsi que ses controverses. L’intérêt de ce travail est également de faire l’inventaire des actions qu’on trouve dans la littérature décroissante (e.g., réduction de temps de travail, quotas carbones, garantie de l’emploi, monnaies complémentaires, réformes bancaires, taxes sur les revenus et les richesses). Timothée Parrique a ainsi pu concevoir une méthode prospective pour étudier les interactions entre ces différents leviers d’action.
Dans un contexte où nous avons besoin d’alternatives économiques, le Jury du Prix de thèse de la Fondation Terre Solidaire a souhaité primer ce travail qui a le grand intérêt de théoriser l’option de la décroissance qui est toujours restée en périphérie des débats publics. En outre, les efforts réalisés par Timothée Parrique pour rendre accessible au plus grand nombre ces notions complexes ont été fortement appréciés par le Jury.
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2ème prix ex-aequo : Marie Toussaint, Socio-Anthropologue (PhD), pour sa thèse « L'épreuve du feu. Politiques de la nature, savoirs, feux de brousse et décolonisation en Nouvelle-Calédonie ».
Depuis une vingtaine d’années, les feux de brousse constituent un phénomène récurrent et préoccupant en Nouvelle-Calédonie, car ils menacent des formations végétales endémiques et particulièrement originales, et mettent en péril les équilibres environnementaux de ce territoire insulaire. Répondant à une commande de la Province nord de la Nouvelle-Calédonie, ce travail entendait mettre au jour les usages contemporains du feu, en particulier en milieu kanak. Documentant l’invisibilisation conjointe des usages Kanak du feu et de l’histoire environnementale de l'île depuis la colonisation, Marie Toussaint renouvelle les questions relatives à la gestion politique de cet environnement naturel exceptionnel. Loin de constituer un phénomène nouveau, les feux de brousse sont un élément constitutif de la conquête coloniale et de la ségrégation raciale qui ont marqué l’histoire de la Nouvelle-Calédonie Cette thèse porte un regard nouveau sur des pratiques Kanak longtemps discréditées. Répondant à une commande publique, elle apporte des éléments concrets et indispensables au renouvellement de l’action publique environnementale de ce territoire en voie de décolonisation négociée.
Le Jury du Prix de Thèse a souhaité primer cette candidature pour l’impact qu’a eu ce travail sur la politique environnementale locale. La restitution de la thèse ayant servi à déverrouiller la parole sur le sujet du feu, et à lancer l’expérimentation de nouveaux dispositifs de concertation sur la gestion du risque feu. In fine, ce travail a permis une réorientation complète de la politique environnementale de la Province nord sur ce sujet. Au-delà de ces aspects environnementaux, l’analyse de la question des feux de brousse réalisée par Marie Toussaint permet d’explorer des questions politiques : de la construction et de la formation de l’État colonial en Nouvelle-Calédonie, à sa transformation depuis les Accords politiques de Matignon-Oudinot (1988) et de Nouméa (1998).
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2ème prix ex-aequo : Léo Magnin, docteur en sociologie, pour sa thèse « La haie requalifiée. Enquête sur un dispositif d'écologisation de la Politique agricole commune »
Depuis 2015, toutes les haies présentes sur une parcelle dont l’exploitant perçoit des aides de la Politique agricole commune (PAC) sont protégées par cette dernière. Cette règle se nomme BCAE7, pour « bonne condition agricole et environnementale n°7 », et fait partie de la conditionnalité environnementale de la PAC, un ensemble de prescriptions minimales que doit respecter tout bénéficiaire. Mais par quoi passe cette requalification des haies en éléments dignes d’être protégés ? D’où vient-elle ? Quels acteurs met-elle en présence ? Par quels instruments acquiert-elle une existence ? Quels sont ses effets prévus et imprévus dans les fermes et ailleurs ? Pour répondre à ces questions, Léo Magnin a construit une méthode d’enquête sur-mesure : une monographie de dispositif. Pour décrire le dispositif dans lequel s’incarne la protection des haies, Léo Magnin a étudié sa genèse, son instrumentation numérique, sa critique par des agriculteurs (Combrailles, Auvergne) et enfin son application par les administrations agricoles et les professionnels de l’arbre et de la haie.
Le Jury du Prix de thèse a été particulièrement intéressé par les effets sociaux des réglementations environnementales étudiées par Léo Magnin. Par exemple, en s’intéressant aux activités qui sous-tendent la protection de l’environnement, à l’instar de la cartographie numérique des haies, Léo Magnin a mis au jour le travail invisible de milliers de travailleurs et de travailleuses du clic.
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Catégorie "Sciences techniques et du vivant"
1er Prix : Gwen CHRISTIANSEN, ingénieure agronome, pour sa thèse « Valoriser la diversité des raisonnements des acteurs dans l'accompagnement d'une transition agroécologique »
Gwen CHRISTIANSEN a construit son sujet de thèse autour de la question de la gestion de la diversité des raisonnements des acteurs d’une transition agroécologique. De nombreux acteurs de l’agriculture développent des systèmes agricoles plus vertueux sur les plans social, économique et environnemental. Ils s’engagent ainsi dans une transition indéterminée, où ils quittent une situation non désirée sans avoir une vision clairement définie de la situation alternative qu’ils construisent. Dans l’accompagnement d’une telle transition, il est crucial de prendre en compte les raisonnements des acteurs de terrain (agriculteurs, conseillers agricoles, enseignants de lycées agricoles, gestionnaires de Parc Naturel Régionaux, etc.). Leurs raisonnements sont diversifiés et intègrent leurs connaissances dans différents domaines (économique, social, environnemental, politique), leurs valeurs et les incertitudes qu’ils perçoivent. Une des difficultés dans l’accompagnement de démarches collectives réside dans la gestion de cette diversité, aussi bien au sein de chaque raisonnement individuel qu’entre les raisonnements des différents acteurs. L’accompagnement procède donc souvent d’une réduction rapide de cette diversité par la recherche de consensus et d’alignement des acteurs sur un objectif commun. Dans son travail de thèse, Gwen CHRISTIANSEN a au contraire considéré la diversité des raisonnements comme une ressource pour aborder la complexité des situations et pour co-construire des objectifs et des moyens d’agir. Ce travail de thèse donne des clés pour contribuer au développement du processus démocratique au sein des processus de transition, à travers : (1) la mise en évidence de l’importance de valoriser et de maintenir la diversité des raisonnements des individus concernés, pour assurer la pérennité des transitions à travers la mobilisation des individus et des collectifs, et (2) des méthodes pour générer de l’intelligence collective grâce à la valorisation de cette diversité, qui ouvre davantage de pistes d’action, accessibles aux acteurs, et en cohérence avec leurs valeurs. Cette recherche a été financée par l’ADEME et l’INRAE.
Le Jury du Prix de thèse a été très intéressé par cette recherche de Gwen CHRISTIANSEN qui montre la nécessité, pour développer une agriculture soutenable, de commencer par construire un socle social fort : créer sur les territoires les conditions sociales pour que des agriculteurs, ainsi que d'autres habitants, puissent et souhaitent y vivre durablement et y développer des projets soutenables. Sans des conditions sociales soutenables (infrastructures, services, activités socio-culturelles, lien social), on ne peut envisager de développer une transition agroécologique.
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Les lauréats 2021 de la 1ère édition
Trois lauréats ont été sélectionnés par un jury pluridisciplinaire composé de 14 chercheurs et acteurs, et présidé par l'économiste Gaël Giraud.
Ils illustrent parfaitement cette volonté citoyenne de préserver les territoires et biens communs. Ils portent une vision de société solidaire, et proposent une réflexion inédite ainsi que des solutions duplicables autour d’enjeux majeurs comme l’urbanisme paysager, la production d’énergies renouvelables ou le développement de semences paysannes.
Une dotation de 3000 € a été remise au 2 premiers prix ex-aequo et le deuxième prix a reçu une dotation de 1000 €.
Les trois lauréats ont pu présenter leur travaux lors d'une conférence en ligne organisée le 22 juin 2021.
Ici une vidéo de Gaël Giraud expliquant l'originalité de ce prix
1er Prix ex-æquo : Emmanuelle BONNEAU pour sa thèse en Aménagement de l’espace -Urbanisme : « L’urbanisme paysager : une pédagogie de projet territorial »
Emmanuelle Bonneau est maître de conférences à l’Institut d’Aménagement, de Tourisme et d’Urbanisme (IATU) de l’Université Bordeaux Montaigne. Urbaniste et paysagiste, elle intervient depuis 2005 dans le champ de l’aménagement urbain et de la planification territoriale. Sa thèse de doctorat soutenue en 2016 s’intitule « L’urbanisme paysager : une pédagogie de projet territorial ». Elle porte sur le renouvellement des pratiques de l’urbanisme par l’approche territorialiste italienne allant dans le sens d’une ré-activation des rapports de solidarité entre ville et campagne et d’une participation accrue des habitants à l’aménagement urbain et des territoires. Promue par l’architecte et urbaniste Alberto Magnaghi, cette approche s’est construite depuis plus de trente ans à travers des expériences impliquant universités, institutions et associations telles que l’élaboration des Plans de paysage des Pouilles et de la Toscane (2015) et du projet de parc agricole de Prato. En France, ces expériences et théories-pratiques ont inspiré les partenaires institutionnels du contrat de recherche BIOREGION financé par la Région Aquitaine. Réalisée dans le cadre de ce contrat de recherche-action, la thèse éclaire la transition écologique, solidaire et citoyenne amorcée dans les pratiques de l’urbanisme en Italie et en France, à l’appui de l’approche territorialiste italienne et en articulant étroitement recherche, action et formation.
1er Prix ex-æquo : Pierre Wokuri pour sa thèse en Sciences Politiques : «Orienter et activer : les projets coopératifs d’énergie renouvelable à l’épreuve du marché. Une comparaison multi-niveaux Danemark, France, Royaume-Uni».
Découvrez ici une vidéo de Pierre Wokuri et de Florence Denier-Pasquier qui explique le choix du jury
La recherche de Pierre Wokuri montre que dans ces trois États, ces initiatives restent cantonnées au statut de niches dont la diffusion est partielle et sont neutralisées. Si les projets coopératifs parviennent parfois à s’insérer dans des marchés nationaux, leur contribution à la transition énergétique reste relativement mineure dans l’état actuel des contraintes politiques et économiques qui pèsent aux niveaux nationaux. L’intérêt de cette recherche est d’identifier les conditions possibles de sortie de leur statut de niche et les leviers à actionner. La thèse met également en évidence en quoi ces initiatives sont innovantes, non pas selon les canaux traditionnels de l’innovation économique et technologique mais au regard de dimensions sociales et écologiques. Cette recherche a été réalisée en étroite collaboration entre autres avec le mouvement Energie Partagée qui fédère, accompagne et finance les projets citoyens de production d’énergie 100% renouvelable en France.
2nd Prix à Corentin HECQUET pour sa thèse en Sociologie : « Caractérisation de collectifs développant et diffusant des semences non conventionnelles et de leurs processus de revendication de reconnaissance ».
Corentin Hecquet baigne dans la vie associative depuis ses 15 ans (Oxfam, ATTAC, mouvement étudiant) où il se forme aux enjeux de justice sociale, économique et environnementale. Pour mieux agir, il s’équipe d’outils de décryptage de nos sociétés par la sociologie (Université Catholique de Louvain ; Instituto Universitario de Pesquisas do Rio de Janeiro au Brésil). Il devient animateur politique à Oxfam-Magasins du monde. 7 ans plus tard, il allie les enjeux socio-environnementaux et de justice au débutant une thèse dans l’équipe de recherche (SEED - Université de Liège). Sa thèse porte sur la JUSTICE ECOLOGIQUE. Au regard des mouvements de semences paysannes, il montre comment les praticiens sur base d’une situation d’exclusion de leurs pratiques et semences élaborent des stratégies de reconnaissances. Nourri de ses recherches, de ses engagements, il facilite la rencontre entre univers qui se connaissent peu ou pas (producteurs/ chercheurs/ associations/ politiques/ consommateurs) pour co-construire des projets qui contribuent à la justice écologique. C’est-à-dire qui reconnaissent les modes de connaissances des uns et des autres, qui contribuent à une reconnaissance sociétale d’un rapport au vivant de co-évolution plutôt que de domination. Cette reconnaissance facilite la participation des personnes à l’élaboration de politiques publiques et de lois qui les prennent en compte ainsi que leurs environnements. Il coordonne le Réseau Meuse Rhin Moselle pour les semences paysannes et citoyennes (RMRM) tout en restant collaborateur scientifique .
Il se définit comme une personne frontière au service du vivant, dont les humains.