Lauréats 2024
À partir d’une enquête ethnographique auprès de trois initiatives écologistes en quartiers populaires français, la thèse s’intéresse aux conditions sociales et territoriales de l’ancrage de l’écologie en contexte urbain paupérisé. Elle s’inscrit dans la lignée des travaux critiques de la théorie postmatérialiste qui fait de l’écologie une préoccupation des classes aisées : elle met en lumière le pouvoir mobilisateur d’une écologie ordinaire qui passe par la transformation concrète et collective des modes de vie et d’habiter et qui s’éloigne à la fois des luttes contestataires et des petits gestes individuels. Cette écologie participe d’une réarticulation entre écologie et question sociale par la réappropriation du quotidien. L’écologie ordinaire n’est pas une écologie populaire : elle ne se déploie pas seulement en quartiers populaires et ne mobilise pas exclusivement des classes populaires. En revanche, ses manifestations en quartiers populaires font l’objet d’un cadrage spécifique : les initiatives observées sont modelées par l’action publique et militante, elles-mêmes structurées par la catégorie de quartier populaire. La dimension performative de cette catégorie est particulièrement saisissable dans des quartiers de grands ensembles classés en politique de la ville. Les multiples déplacements opérés par les initiatives pour s’accommoder du cadre ou le bousculer permettent de relire la catégorie de quartiers populaires à l’aune de l’écologie et de contribuer à redéfinir l’écologie par les quartiers populaires.
Le Jury du Prix de thèse a été particulièrement intéressé par la manière dont Léa Billen a déconstruit, en s’appuyant sur un travail socio-éthnographique très fin, une représentation « ancrée » qui consiste à penser que les classes populaires montrent de l’indifférence, voire de l’hostilité aux questions écologiques. Le jury a souhaité également valoriser l'effort de Léa Billen pour rendre visible le fait que les quartiers populaires sont le théâtre d’une « écologie ordinaire », qui valorise d’autres figures que les « néoruraux », les « zadistes » ou les « activistes climatiques ». C’est une écologie politique qui, à la différence de ces figures qui pratiquent ou s’illustrent par les actions d’éclat (désobeissance civile, sit in, marches), passe par la transformation concrète des modes de vie quotidiens et "érode le modèle dominant, plutôt que de chercher à le renverser".
Le jury a souhaité également valoriser l'engagement de Léa Billen. Aujourd’hui enseignante d’histoire géographie dans le secondaire, elle poursuit parallèlement une implication citoyenne à travers des actions de formation à l’Institut Transitions à Lyon, et dans le cadre d’un collectif de chercheurs et chercheuses, La Cabane de la recherche, qui vise à se mettre au service de la société civile et des instutions publiques pour penser et construire une ville plus juste et écologique. Elle incarne bien, à travers la transmission, et la poursuite de recherche impliquée sur les territoires, l’esprit du prix de thèse.
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Catégorie Sciences de l'ingénieur et de la Terre
Elias GANIVET, sciences de l'environnement, pour sa thèse "Eau, territoires et changements globaux : vers une approche systémique et participative de modélisation pour concevoir et agir en complexité”
L’ampleur des bouleversements planétaires en cours (« changements globaux ») nous impose de modifier rapidement et drastiquement nos modes
de vie, de gestion et d’organisation. A travers cette thèse, nous avons choisi d’aborder une partie des impacts des changements globaux sous le prisme de l’eau ‒ cette ressource se retrouvant à l’interface entre climat, écosystèmes et activités humaines, et dont la diminution multiplie les tensions dans l’espace public. L’objectif de cette thèse a ainsi été de développer une démarche ‒ intégrant modélisation et dimension participative ‒ afin de rendre visible la complexité des systèmes socio-environnementaux et l’impact des changements globaux (actuels et à venir), dans le but d’aider les prises de décision en concertation à l’échelle territoriale. Réalisé en Bretagne, sur le territoire de Lorient Agglomération et des bassins versants du Scorff et du Blavet, ce travail a conduit à l’élaboration d’une démarche en trois temps baptisée « Eau et Territoire » : (1) construction d’une base commune de connaissance sur les enjeux de l’eau et des changements globaux ; (2) co-construction de scénarios prospectifs afin d’identifier des évolutions possibles pour le territoire ; et (3) projection collective dans les futurs possibles du territoire afin d’identifier des trajectoires souhaitables. S’il n’est pas possible d’évaluer dès aujourd’hui l’impact de cette démarche sur les futures prises de décisions, elle aura au moins permis d’offrir un espace d’échange et de participation pour concevoir la complexité du système et d’envisager collectivement des leviers d’adaptation.Le jury du Prix de thèse a été particulièrement intéressé par la démarche participative mise en oeuvre par Elias Ganivet : inspiré par les différentes Conventions citoyennes, il a impliqué les organisations locales (collectivités, service de l’Etat, associations) et les habitants à son travail. L’objectif ? Que les enjeux de gestion locale de l’eau puissent être compris et partagés par tous, afin d’augmenter les chances de réussite de ce projet par la sensibilisation.
Le jury a aussi souhaité souligner la très grande utilité de ce travail. Cette thèse permet de mettre la lumière sur le sujet stratégique de l’eau, d’analyser les limites considérables de sa gestion et gouvernance actuelles et contribue très concrètement, en proposant une méthodologie assez complexe et aboutie, à avoir une véritable gestion intégrée de l’eau sur les territoires.
Ces territoires qui ne pourront se contenter de faire des ajustements à la marge mais doivent réviser en profondeur le paradigme de leur développement.
En attribuant le prix à Elias Ganivet, le jury a souhaité rappeler l'importance de la gestion de l'eau comme sujet politique. La proposition amenée par cette thèse contribuera à porter au débat démocratique la gestion de l'eau sur un territoire dans une vision globale et de long terme.
Désormais en post-doctorat, Elias Ganivet tente de transposer ce modèle au sein d’autres territoires.
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Accessits au prix de thèse pour la catégorie Sciences Humaines et Sociales.
Compte tenu la qualité et de l’originalité de leurs travaux, le jury a décidé de décerner 3 accessits à :
- Charlotte DEMONSANT pour une thèse en sciences de gestion intitulée « L'atténuation du changement climatique à l'épreuve de l'équité. Etude de la règle des avaries communes et de ses implications pour l'action climatique. ». Thèse préparée à Mines Paris-PSL
- Coralie ROBERT pour une thèse en sociologie intitulée « Faire face à l'expression d'un impératif de sobriété énergétique : du conseil à l'injonction, les stratégies de ménages précaires en France. Thèse préparée à l’Université Paris Nanterre.
- Clément SURUN pour une thèse en sciences économiques intitulée « La comptabilité des dettes écologiques nationales et d’entreprises, un outil de pilotage vers une économie durable » Thèse préparée à l’Université Paris-Saclay.